Les fondements de la papauté confrontés à la Bible #4
Habemus papam! 14 mars 2013, l’annonce solennelle résonne depuis le balcon du Vatican ! Le nouveau pape François se présente devant la foule rassemblée sur la Place Saint-Pierre avec ces premiers mots :« Vous savez que la tâche du Conclave était de donner un évêque à Rome. Il semble bien que mes frères cardinaux soient allés le chercher quasiment au bout du monde… Mais nous sommes là… Je vous remercie pour votre accueil. La communauté diocésaine de Rome a son évêque : merci ! (…) Et maintenant, initions ce chemin : l’évêque et le peuple. Ce chemin de l’église de Rome, qui est celle qui préside toutes les églises dans la charité… »
Dés son accession au trône pontifical, le pape François insistait donc sur sa qualité d’évêque de Rome, humble au milieu de ses pairs, les évêques du monde entier, et au milieu des fidèles.
Ce faisant, il remettait au premier plan le lien que la Tradition catholique avait établi entre l’apôtre Pierre, l’église de Rome, et la fonction papale : Pierre, premier pape, aurait été le fondateur de la communauté chrétienne à Rome et son premier évêque, faisant de ses successeurs au siège épiscopal romain ceux qui, dans le même temps, présideraient l’église universelle.
Voici quelques textes du Magistère catholique qui font clairement écho à cette tradition :
CEC 882 : Le Pape, évêque de Rome et successeur de S. Pierre, est principe perpétuel et visible et fondement de l’unité qui lie entre eux soit les évêques, soit la multitude des fidèles. En effet, le Pontife romain a sur l’Église, en vertu de sa charge de Vicaire du Christ et de Pasteur de toute l’Église, un pouvoir plénier, suprême et universel qu’il peut toujours librement exercer. (Catéchisme de l’Eglise Catholique, 1992)
PA, chapitre 2 : Personne ne doute, et tous les siècles savent que le saint et très bienheureux Pierre, chef et tête des Apôtres, colonne de la foi, fondement de l’Église catholique, a reçu les clés du Royaume de notre Seigneur Jésus-Christ, Sauveur et Rédempteur du genre humain : jusqu’à maintenant et toujours, c’est lui qui, dans la personne de ses successeurs, les évêques du Saint-Siège de Rome, fondé par lui et consacré par son sang, vit, préside et exerce le pouvoir de juger. (Pastor Aeternus, concile Vatican I, 1870)
Canon 331 : L’Évêque de l’Église de Rome, en qui demeure la charge que le Seigneur a donnée d’une manière singulière à Pierre, premier des Apôtres, et qui doit être transmise à ses successeurs, est le chef du Collège des Évêques, Vicaire du Christ et Pasteur de l’Église tout entière sur cette terre; c’est pourquoi il possède dans l’Église, en vertu de sa charge, le pouvoir ordinaire, suprême, plénier, immédiat et universel qu’il peut toujours exercer librement.
Mais nous devons nous interroger sur la fiabilité de cette tradition, en la confrontant aux Ecritures. Que nous dit la bible à ce sujet ?
L’apôtre Pierre a-t-il fondé l’église de Rome ?
En a-t-il été le premier évêque ?
A-t-il été, en tant qu’évêque de Rome, le chef de tous les évêques et le Pasteur de l’église universelle ?
Pour amorcer une réponse à ces questions, voici d’abord quelques indices que nous livrent les Ecritures :
-Elles nous indiquent clairement que Jacques était un des responsables de l’église de Jérusalem (Ga 1.19 ; Ac 12.17 ; Ac 15.13), avec sans doute une autorité prédominante, en tant que « frère du Seigneur » (Mt 1.25 ; Ga 1.19) et témoin privilégié de sa Résurrection (1 Co 15.7). En revanche, elles ne nous disent pas explicitement que Pierre aurait eu une fonction similaire auprès de l’église de Rome.
-En outre, lorsque Paul écrit sa lettre aux Romains, dans les années 56 à 58, il cite de nombreux membres et responsables de la communauté romaine, mais ne fait aucune mention de Pierre. De toute évidence, Pierre ne séjourne pas à Rome à cette époque. D’ailleurs, dans le Nouveau Testament, on perd assez vite la trace de Pierre : en Ga 2. 11, on constate qu’il est de passage à Antioche, puis, en Ac 15 on le retrouve à Jérusalem pour le « premier concile » de l’église. On est alors autour de l’an 50. Ensuite l’apôtre Pierre disparait du récit des Actes puisque celui-ci se concentre sur les aventures missionnaires de Paul. Pierre semble s’être consacré à un ministère itinérant (accompagné de son épouse, comme le mentionne 1 Co 9.5, autour de 55 ap JC), en particulier auprès des communautés d’Asie mineure (l’actuelle Turquie) auxquelles il va adresser sa première épitre. Où séjourne-t-il lorsqu’il écrit cette épitre vers l’an 60 ? La bible est silencieuse à ce sujet.
-Il n’y a pas non plus de preuve scripturaire au fait que Pierre ait fondé l’église de Rome. Au contraire ! Encore une fois, si l’on se fie à l’épitre de Paul aux romains, on constate que Paul regarde cette communauté comme une communauté chrétienne mature, où la semence de l’Evangile a déjà produit du fruit (il fait comprendre, en Rm 15.20-22 que son projet de visite aux romains a été retardé par la priorité qu’il accorde aux contrées encore non évangélisées), mais jamais il ne laisse entendre que Pierre aurait été le premier évangélisateur ou le fondateur de cette communauté.
D’ailleurs, en Rm 15.20, il exprime mettre un point d’honneur à ne « point bâtir sur des fondations posées par autrui. » Cette formulation sous-entend le fait que l’église de Rome, bien que déjà établie, ne porte pas la signature d’un grand apôtre, encore moins celle de Pierre qui est regardé comme une des colonnes de l’église.
En fait, l’hypothèse la plus probable est que l’église de Rome aurait été fondée par des Juifs qui se sont convertis lors de la Pentecôte à Jérusalem (cf. Ac 2.10) et qui sont retournés dans la grande ville impériale avec la bonne nouvelle du salut en Jésus-Christ. Les implanteurs de cette église pourraient être des membres actifs de la communauté cités par Paul, tels que Aquilas et Priscille (Rm 16.5), ou Andronicus et Junia (Rm 16.7), qui sont tous des chrétiens d’origine juive, convertis de longue date (même « avant moi », dit Paul au sujet d’Andronicus et Junia) et des collaborateurs de Paul dans l’oeuvre apostolique.
Peut-être, du moins, Pierre aurait-il été « évêque de Rome », mais de manière tardive, à la fin de sa vie ? En effet, il se peut qu’il ait passé ses dernières années à Rome, jusqu’à son martyre autour de l’an 65 sous l’empereur Néron. Certains commentateurs bibliques interprètent en ce sens la finale de la première épitre de Pierre, avec l’idée que le terme « Babylone » soit ici un nom codé pour désigner Rome, comme c’est peut-être aussi le cas dans le livre de l’Apocalypse (cf. Ap 14.8 ; 17.5, etc): Celle qui est à Babylone, élue comme vous, vous salue, ainsi que Marc, mon fils.
Mais même si l’on se rangeait à cette hypothèse (qui n’est corroborée par aucune preuve archéologique ou historique, ni pour son séjour, ni pour son martyre à Rome), deux aspects de la tradition catholique restent très contestables d’un point de vue biblique :
-L’église catholique a fait de l’évêque de Rome le chef ou « président » du collège des évêques. Or la prééminence de l’évêque de Rome a été l’aboutissement d’un long processus historique, et ne correspond pas au tableau biblique. En effet, comme on le voit dans les Actes, le Nouveau Testament nous décrit une église dont l’épicentre spirituel est Jérusalem. L’évêque de Rome Etienne 1er, au IIIème siècle, aurait été le premier à revendiquer sa primauté, face à Cyprien, l’évêque de Carthage avec qui il était en conflit. Cette primauté romaine a d’ailleurs été très contestée par l’église orientale (ce qui contribuera au schisme de 1054 avec l’église orthodoxe, qui depuis, ne reconnait à l’évêque de Rome qu’une primauté d’honneur et de non de juridiction). De plus, c’est seulement à partir de Damase Ier (366-384) que l’évêque de Rome se présente comme étant « successeur de Saint Pierre ».
–De toute façon, la charge épiscopale au sein de l’église catholique ne correspond pas au modèle biblique des « episkopos ». Même si les mots français « évêque » et « épiscopal » tirent leur origine du mot grec « episkopos » que l’on trouve dans le Nouveau Testament, ils renvoient à une réalité bien différente. Là encore, il y a eu une mutation au cours de l’histoire. Ignace d’Antioche au 2ème siècle y joue un rôle crucial : il fait passer l’église d’une direction collégiale, partagée entre plusieurs anciens (nommés indifféremment « épiscopes » ou « presbytres », ou tout simplement « anciens »), à une organisation centrale. L’autorité se trouve désormais concentrée entre les mains d’un seul ancien nommé épiscope, auquel sont subordonnés les autres anciens. On voit alors poindre une hiérarchisation toute nouvelle (et sans fondement biblique) entre l’évêque/episkopos qui domine, et les prêtres/presbuteros qui lui sont soumis.
Nous disons que cette hiérarchisation est sans fondement biblique car, comme nous le mentionnions plus haut, dans le Nouveau Testament les termes episkopos et presbuteros sont équivalents pour désigner la fonction des « anciens » qui dirigeaient l’église. D’autre part, ils exerçaient leur charge de manière collégiale. Par exemple, on voit que Paul, lorsqu’il veut faire ses adieux à l’Eglise d’Ephèse, envoie chercher « les anciens [presbuteros] de cette Eglise » (Ac 20, 17). Il leur déclare : « Soyez attentifs à vous-mêmes, et à tout le troupeau dont l’Esprit Saint vous a établis gardiens [episkopos] pour paitre l’Eglise de Dieu. » Lorsqu’il s’adresse aux Philippiens, il salue « ceux qui sont à Philippes, avec leurs épiscopes et leurs diacres. » (Ph 1, 1). Ou encore, pour rappeler à Tite le mandat reçu de lui, il écrit : « Si je t’ai laissé en Crète, c’est pour y achever l’organisation, et pour établir dans chaque ville des presbytres, conformément à mes instructions » (Tt 1, 5). On voit donc bien l’interchangeabilité des termes, ainsi que la conception plurielle de la direction ecclésiale.
Donc, quand bien même Pierre aurait terminé sa vie comme évêque de Rome, il ne l’aurait pas été selon la compréhension catholique du terme, impliquant une autorité à la fois sur les fidèles et les clercs (prêtres et diacres) d’une église locale. De plus, rien n’indique dans les Ecritures que cette fonction d’évêque de Rome ait été pour lui, et pour ses successeurs, l’assise d’une primauté sur le collège des évêques, et par là sur l’église dans son ensemble.
Ainsi, manifestement, Pierre n’a été ni le fondateur de l’église de Rome, ni celui qui, en tant que premier évêque de Rome, aurait été reconnu comme le chef visible de l’église universelle.
C’est encore une fois, sur la base des Ecritures, que nous devons vérifier les enseignements véhiculés par une tradition religieuse. Amis catholiques, nous vous mettons en garde de ne pas placer votre confiance dans une autorité qui n’est pas voulue par Dieu et qui ne vous conduit pas selon la vérité de la Parole.